Au commencement c’est une rencontre ou plutôt des retrouvailles. Celles du corps avec l’eau vive et musclée, le sel sur la peau, l’étourdissement quand, rossé, on regagne le sable ferme, les sensations éperdues de l’enfance.
Sous la ligne de flottaison, la couleur de l’eau en verre dépoli, ce vert si lent m’hypnotise.
Plus encore, à présent sur le sable, je scrute cette ligne fragile au sommet de la vague, qui se pare d’une gemme émeraude, je scrute le moment où transparaît dans la lumière cette lame qui, en s’arrondissant se fait écume vaporeuse et sonore.
Cet instant fugace monopolise mon attention. En photographiant, filmant les mouvements réguliers aussi implacables, que métronomiques je découvre une danse, magique, d’apparitions et de disparitions, en tous sens dont la saisie est quasi impossible : répétition, dispersion, concentration.
Cette vague inaugurale est un appel sans cesse renouvelé, celui de la mer.
Les vagues ont pris possession de mon univers intérieur.
Mal de mer…
Robustes et fragiles, violentes ou caressantes, elles ont tracé mon chemin de mer et son cortège de mémoire, elles ont orienté mes lectures, m’ont emportée dans ces voyages au long cours des premiers découvreurs, enfermée au phare d’Armen, ont exhumé les souvenirs.
Grâce à elles, j’explore la puissance onirique des tout petits formats. Les minuscules concentrent la nécessité du trait juste et absorbe celui qui regarde dans le même faisceau de réduction de focale.
Papier et pastel tendre, pigments dans leur plus simple appareil, renouent avec une forme de frugalité.
Fragilité partagée du support et du modèle… la mer d’allure si invincible pourtant si malmenée, polluée par nos indigences, mais toujours la source d’inspiration et de voyages immobiles.